La République Démocratique du Congo (RDC) connaît l’une des pires crises depuis de nombreuses années. Damien Mama, Représentant résident du PNUD dans le pays, analyse l’impact de la crise et la manière dont nous répondons aux besoins urgents et dont nous apportons un soutien à long terme.
- Comment la crise affecte-t-elle les Congolais et le travail du PNUD ?
Des millions de personnes s’enfoncent dans la pauvreté, les services publics s’effondrent et des communautés entières sont déplacées. L’impact de cette crise est profondément ressenti à Kinshasa également. Chaque jour, nous entendons des récits de familles qui ont tout perdu, de mères à la recherche de vivres, d’enfants privés d’école et de communautés entières obligées de fuir.
Des infrastructures vitales telles que des écoles, des centres de santé et des bureaux de justice ont été détruites. Des entreprises autrefois florissantes ont fermé leurs portes. L’avenir des gens est en train de s’effacer sous nos yeux. Le défi est immense, mais notre engagement à faire en sorte que les personnes touchées par cette crise ne soient pas oubliées l’est tout autant.
Nous coordonnons une réponse d’urgence qui renforce la résilience. L’objectif est de lier l’aide immédiate au redressement rapide et au développement à long terme, afin de garantir qu’une fois la crise passée, les communautés puissent se reconstruire durablement.
- Avec l’augmentation des déplacements, comment la RDC peut-elle rompre le cycle ?
Imaginez devoir quitter votre domicile sans rien d’autre que vos vêtements sur le dos. C’est la réalité de centaines de milliers de personnes à l’heure actuelle. Certains des déplacés qui regagnent leurs villages, tels que les 40 000 personnes dans le Masisi et les 30 000 dans le Nyiragongo, y trouvent leurs maisons détruites, leurs écoles et leurs centres de santé disparus ou que leurs terres occupées. Les maisons, les écoles et les systèmes d’approvisionnement en eau doivent être reconstruits d’urgence.
Le PNUD se concentre sur le rétablissement des services essentiels et la reconstruction des infrastructures. En répondant aux besoins immédiats et à long terme, nous veillons à ce que les communautés déplacées puissent refaire leur vie sans craindre de devoir fuir à nouveau.

- Quel est l’impact du conflit actuel sur l’économie de la RDC ?
Le prix des produits de première nécessité a doublé en moins d’un mois dans des régions où les chaînes d’approvisionnement ont été perturbées. Les marchés, autrefois très animés, se sont vidés. Les commerçants qui ont développé leur activité pendant des décennies l’ont vu disparaître du jour au lendemain à cause du pillage généralisé.
Si les violences se poursuivent, l’économie de la RDC pourrait reculer de 7 %. Plus de 4,4 millions de personnes en subissent déjà les conséquences, notamment parce que les entreprises et les chaînes d’approvisionnement sont perturbées.
Les pays voisins en subissent les effets en cascade : perturbation des échanges commerciaux, ralentissement de l’activité économique et arrivée de réfugiés, ce qui ajoute à la pression exercée sur une économie régionale déjà fragile. Renforcer la résilience économique est plus crucial que jamais. Le PNUD soutient les efforts visant à stabiliser les marchés locaux, à protéger les moyens de subsistance et à mettre en place des filets de sécurité sociale pour éviter un effondrement économique à long terme.
- Comment le système de santé fait-il face à la situation ?
La crise fait payer un lourd tribut au système de santé et met des milliers de vies en danger. Avec la rupture des chaînes d’approvisionnement médical, le pillage des cliniques et des pharmacies et la fuite des agents de santé, les services essentiels sont en train de s’effondrer. Plus de 8 100 personnes vivant avec le VIH et 1 680 patients atteints de tuberculose luttent pour obtenir un traitement. Une personne vivant avec le VIH ou la tuberculose ne peut pas se permettre d’attendre des semaines ou des mois pour recevoir un traitement. Chaque retard coûte des vies.
En collaboration avec le Fonds mondial, le PNUD s’efforce de rétablir ces services vitaux et de faire en sorte que les traitements parviennent à ceux qui en ont besoin. Nous devons agir rapidement pour éviter qu’une situation d’urgence sanitaire ne s’aggrave.

- Comment rétablir la justice et la gouvernance ?
Le système judiciaire dans les régions touchées est complètement désorganisé. Au Nord-Kivu, six infrastructures judiciaires, dont la prison de Musenze, ont été détruites ou occupées, et le personnel judiciaire a fui.
Plus de 4 400 détenus manquent à l’appel et des cas critiques ont été effacés des registres, notamment 36 cas prioritaires de crimes graves, tels que 11 cas de violence sexuelle liée au conflit. Près de 100 % des dossiers judiciaires ont été détruits dans ces régions, laissant les survivants sans recours légal.
Cela représente un grave revers après des années de progrès. Le PNUD reste déterminé à reconstruire ces institutions, à rétablir les systèmes de gestion des dossiers et à veiller à ce que la justice soit accessible à tous, en particulier aux plus vulnérables. Sans une action urgente, le cycle de l’impunité continuera à alimenter l’instabilité.
- Comment la crise affecte-t-elle les femmes et les filles ?
Nous avons entendu parler d’innombrables cas de violence et d’exploitation sexuelles, qui sont profondément préjudiciables à la fois aux victimes et à la communauté dans son ensemble.
Pour le PNUD, répondre aux besoins spécifiques et assurer la protection des femmes et des filles est une priorité absolue. Cela comprend le soutien psychosocial, la protection contre la violence sexiste et la création d’espaces sûrs pour que les femmes et les filles puissent reconstruire leur vie. Nous nous efforçons également de rétablir l’éducation, les soins de santé et les moyens de subsistance. Il est essentiel que les femmes soient incluses dans les processus de prise de décision pour la justice et la guérison, et pour la résilience à long terme du pays.
Pour les femmes et les filles, la crise signifie souvent plus qu’un simple déplacement. Elles ont peur de la violence, de l’exploitation et de ne jamais pouvoir se réapproprier leur avenir. Certaines ont perdu non seulement leur maison, mais aussi leur sentiment de sécurité. Nous devons veiller à ce que la protection et l’autonomisation aillent de pair, en donnant aux femmes et aux filles non seulement la sécurité, mais aussi la possibilité de jouer un rôle de premier plan dans la reconstruction. Le leadership des femmes est essentiel à la reprise, et investir dans leur protection et leur autonomisation sera déterminant pour garantir un avenir pacifique et durable pour tous.

- Quelles actions sont nécessaires pour éviter que la crise ne s’aggrave ?
La RDC est vaste et, bien que le conflit soit concentré dans l’est, ses effets se font sentir dans tout le pays. Ce genre d’événement nous rappelle que les progrès ne peuvent être protégés que par un effort collectif, des décideurs politiques de Kinshasa aux dirigeants locaux.
Dans les semaines à venir, il sera essentiel de donner la priorité aux pourparlers de paix afin de s’attaquer aux causes profondes du conflit. Les conflits fonciers, déjà exacerbés par la crise, alimentent les tensions et provoquent de nouveaux déplacements de population. Ces conflits doivent être résolus pacifiquement pour assurer une stabilité à long terme et permettre aux personnes déplacées de rentrer chez elles en toute sécurité. Le rétablissement des soins de santé, de l’éducation et de l’eau potable doit être une priorité absolue. Le PNUD s’efforce d’associer l’aide humanitaire à court terme à des objectifs à long terme, notamment la reconstruction des infrastructures et le rétablissement des moyens de subsistance. Mais cela ne sera possible que si toutes les parties s’engagent à dialoguer et à protéger les civils et les travailleurs humanitaires. Si l’on n’agit pas maintenant, on risque de déstabiliser davantage la région.

La RDC ne peut pas se permettre de répéter l’histoire douloureuse d’un conflit prolongé et de l’instabilité. En ce moment, chaque décision compte – chaque effort pour rétablir la paix, reconstruire les infrastructures et soutenir les personnes déplacées façonnera l’avenir du pays. Le PNUD a une grande portée et peut prendre des mesures décisives.
Il est essentiel de maintenir le soutien et de continuer à participer au développement pour éviter une nouvelle escalade des besoins. Avec un financement continu et un accès immédiat, nous pouvons rétablir les services essentiels, reconstruire les infrastructures et renforcer la résilience de ceux qui en ont le plus besoin.